Construit en 2011 en Tasmanie (Australie) par un multimillionnaire un peu fou, David Walsh, le MONA (musée d’art ancien et moderne) est à l’image de son créateur. Conçu comme le « Disneyland subversif pour adultes », cet endroit est pour le moins déroutant.

Nous sommes tout de suite dans le bain par la présence d’une signalisation routière plutôt étrange. En effet, sur la route menant au MONA, on peut voir un panneau annonçant le passage de gorille. Nous ne savons pas ce qui nous attend par la suite. Nous avançons vers l’inconnue.

Tel Axel Lidenbrock dans le roman Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, nous commençons notre exploration par une longue descente dans les entrailles de la Terre. Le musée a été construit le long d’une paroi rocheuse. Il est à moitié souterrain. La modernité oblige nous ne sommes pas munis d’un livre laissé par un ancien explorateur, mais d’un smartphone contenant les différentes informations sur les œuvres exposées.

Nous arrivons dans une grande salle moitié béton moitié rocheuse. C’est parti pour l’exploration. Tous nos sens sont en éveil et sans cesse remis en question. Nous flânons. Nous errons. Nous nous perdons. Faisons demi-tour et recommençons. S’il avait pu nous faire marcher au plafond, David Walsh l’aurait fait.

Bit.Fall, Julius Popp

20:50 - Mona lisa

Les différentes parties s’entremêlent et ne se ressemblent pas. Nous passons de l’obscurité à la lumière. Nous nous arrêtons le temps de s’y habituer. Tout est fait ici pour nous perturber. Tous nos sens sont brouillés. Nous ne savons plus à quoi nous fier.

20:50 de Richard Wilson(1987) est l’une des œuvres les plus fascinante. Cette avancée semble donner sur une pièce sans fond. Il faut un certain temps pour comprendre qu’il n’en est rien. Je m’approche seule, doucement. Le surveillant m’annonce de faire attention et de ne rien toucher. Je ne comprends pas. J’avance prudemment. Je sens l’huile de moteur sans vraiment comprendre. Et d’un coup, c’est la révélation. Comment ne pas l’avoir vu plutôt. Notre odorat nous informe bien avant nos yeux. Il s’agit d’un bassin d’huile de moteur usagée qui permet une réflexion parfaite et donne ainsi l’impression de profondeur. Le subterfuge est saisissant.

20:50, Richard Wilson, 1987

Beside Myself

Nous continuons notre exploration à travers des salles, au jeu de lumière saisissante. Beside Myself de James Turrell nous fait traverser un tunnel de lumière nous projetant directement dans une nouvelle dimension. Le décor semble futuriste ou issu d’un film de science-fiction. À l’inverse des aventuriers de Jules Verne, nous sommes projetés dans le futur.

Beside Myself , James Turrell
Kryptos, Brigita Ozolins, 2008-2010

Kryptos - Mona lisa

Kryptos, Brigita Ozolins, 2008-2010 nous fait traverser plusieurs salles les unes à l’intérieur des autres tel des poupées russes. Il fait noir. Seule la lumière qui semble irradier du bas du mur permet de nous éclairer. Les murs sont recouverts de 0 et de 1. Nous sommes entrés dans le monde binaire. Nous sommes dans la matrice. La pièce centrale nous permet à peine de tenir à deux ou trois personnes. Le plafond est recouvert d’un miroir. Ce parfait reflet inversé sème le trouble, tel le reflet d’une autre dimension. Où est la réalité ? Où est le monde matriciel ?

Le système digestif

Nous ressortons vite pour atterrir dans une pièce qui ressemble au labo d’un savant fou. Une série d’amphores avec des tubes sont suspendues du plafond. Nous n’approchons pas davantage tant l’odeur est insoutenable. Wim Delvoye avec Cloaca Professional, 2010, a recréé un système digestif en entier. Le réceptacle sur la droite permet de voir la machine déféquer une fois par jour. La machine devient un être humain. Le musée semble presque vivant. Cette exploration souterraine ressemble à un voyage à l’intérieur d’un être moitié organique moitié machine.

Cloaca Professional, Wim Delvoye, 2010

Pulse Room, 2006 de Rafael Lozano-Hemmer renforce cet effet. 300 ampoules s’allument et s’éteignent au rythme de pulsation cardiaque. À l’aide d’une interface, l’installation détecte la pulsation d’un visiteur et la reproduit en lumière. Le musée semble ainsi s’inspirer des humains qui l’entourent pour prendre vie.

La présence d’étrange escalier tournicotant dans tous les sens comme des connexions entre différents organes accentues davantage l’impression de vivant. On s’attendrait presque à les voir bouger comme dans Harry Potter.

Pulse Room, Rafael Lozano-Hemmer, 2006

Le royaume des morts du mona lisa

Après la vie, nous arrivons au royaume des morts. Cette salle dans la pénombre à un sol rempli d’eau. Nous avançons de dalle en dalle, silencieusement dans cette pièce sacrée. En son centre : une momie de 20 000 ans repose dans une vitrine/cercueil fait de béton et de verre. Cette pièce est un tombeau. La lumière et la mise en scène met l’accent sur la momie. Elle n’est plus une pièce de musée comme une autre, elle est sacralisée. L’atmosphère silencieuse est étrange, elle est reposante, mais aussi sinistre. C’est le silence infini de la mort. Le dernier repos. La mort est avec nous dans cette pièce.

La visite finie par devenir étouffante. La tête tourne. Les bruits et les odeurs sont oppressants. Notre vue est troublée. Nous suffoquons. Il est temps de revenir à la surface et de retrouver le soleil, le vent, la vie.

L’extérieur

L’extérieur est tous aussi étrange que l’intérieur. L’architecture du bâtiment est surprenante et s’intègre totalement dans le paysage. Des œuvres monumentales sont également présentes et mises en valeur par l’architecture bien étudiée du musée.

Infos pratiques

Le musée est ouvert toutes l’année sauf les mardis et le jour de Noël. L’entrée du musée est de 30 dollars. Elle est gratuite pour les moins de 18 ans et pour les Tasmaniens. Si vous avez pu travailler en Tasmanie comme se fut notre cas, vous pouvez entrer gratuitement en présentant un bulletin de paye (payslip). 

La Tasmanie s’est finie pour nous, retour sur le continent pour la découverte de nouveaux états. 

La prochain article, nous irons au Wilson Promontory Park.